Espèce de Gros Sport

Mercredi 24 février, Finale du relais 3000 mètres de short-track féminin des XXI ème Jeux Olympiques, Vancouver, Canada. Se disputent le podium, la Corée du Sud, la Chine, le Canada, Les Etats-Unis. En quelques tours, l’équipe canadienne est à la traîne, laissant s’échapper devant elle la Chine et la Corée du Sud qui se livrent un combat acharné. L’équipe des Etats-Unis est simplement larguée avec un quasi tour de retard. Durant l’un des relais, la chinoise vient se coller à la Coréenne devant elle au point de devoir amortir le choc de ses mains. La Coréenne, à son tour, comme pour garder son équilibre, pose sa main sur la Chinoise derrière elle, sans aucun signe de volonté de s’en dégager. La patineuse au maillot rouge dévie de la trajectoire optimale, en voyant s’échapper sa rivale. La Coréenne passe la ligne d’arrivée en premier, suivie de peu par la Chinoise qui dans un effort ultime la rattrape, mais ne réussit pas à la dépasser. C’est ça le sport. Du moins ça devrait être ça. Jusqu’à ce que survienne le jugement totalement objectif et impartial de l’arbitre, qui feinte la longue discussion dont il connaît déjà l’issue, avec son acolyte. La Corée du Sud est disqualifiée, perdant sa première place et se faisant sucrer au passage un record du monde. N’importe quel spectateur objectif, en visionnant les multiples ralentis sous tous les angles proposés, ne comprend pas cette disqualification. A moins que le juge ait eu une préférence pour l’équipe Chinoise. Mais c’est beaucoup plus simple. La disqualification de la Corée rapporte au pays organisateur, le Canada, une médaille d’argent à ajouter à son palmarès. En bonus, les américains, déjà sur-médaillés, gagnent une troisième place gratuite.
En réalité, c’est ça le sport. Du pognon. Une équipe qui gagne, c’est de la motivation pour le peuple qui produit ; c’est une marque d’accessoires sportifs qui fait de meilleures affaires, grâce à cet athlète, prêt à prendre une pose ridicule pour que les logos qui bardent son équipement soient visibles au maximum, dans cette émission télévisée qui n’est pas autorisée à faire de la pub ; c’est des centaines de millions d’euros dépensés pour construire un stade capable d’accueillir le plus grand troupeau possible ; encore des centaines de millions d’euros pour les diverses cérémonies d’ouverture et frais d’organisation et de promotion d’événements retransmis sur les télévisions du monde entier ; des millions à n’en plus finir sur les paris, activité illégale sauf pour l’état, etc.
Aujourd’hui, c’est ça le sport. Un abrutissement. Une main pendant un match de qualification pour une quelconque coupe du monde qui fait la Une de tous les journaux ; un peuple entier qui chante en chœur un hymne à la stupidité, croyant que seule la sueur a fait le travail, pendant que les politiciens font passer les lois les plus inacceptables pour la démocratie, celles qu’ils ont laissé dormir dans leur dossier en prévision de cette occasion ; un homme érigé en génie, une star, un des grands de ce monde, qui vanterait les mérites d’un thermomètre anal nouvelle génération, si tant est que l’annonceur y met le prix, etc.
Le sport devrait être spontané, sanitaire, exercé en amateur pour les passionnés qui aiment la compétition. Mais en terme de manipulation des masses, la tentation était trop forte. Impossible de laisser passer ce potentiel de faibles d’esprit par millions, qui sacrifient leur vie familiale, leur existence, leur épanouissement personnel, pour aller crier leur fascination à des mulets qui courent après les euros, alors qu’ils pourraient eux-même, soit pratiquer, soit assister à des manifestations dont la nature des prix décernés aux gagnants laisse deviner que les participants sont là pour le sport et seulement pour le sport. La composition du philtre est du même acabit que pour tous les autres divertissement pour crétin : la professionnalisation, des écoles, des produits dérivés, des enclos de plusieurs milliers de places, des droits de diffusions exorbitants, de la répétition médiatique à outrance, de la pub, du storytelling, de la violence et du cul.
Finalement, c’est ça le sport. Le peuple garde la forme ; les autorités maintiennent le format.
(Paru dans la Gazette des Insoumis n°4)