Quick et Dailymotion… Ici, pour vous, l’État investit!

Cette année, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a annoncé avoir enregistré en 2008, sa première perte en près de 200 ans d’histoire, une perte nette de 1,468 milliard d’euros qui « serait notamment due aux importantes provisions sur son portefeuille » précisait la dépêche. La CDC est un « groupe public au service de l’intérêt général et du développement économique » qui a été créé en 1816, pour restaurer la confiance suite à la crise financière. Elle gère 48 régimes et institutions de retraite et une partie des fonds déposés sur les livrets A, accompagne les collectivités territoriales, finance des PME et investit à long terme. En tout, directement ou via ses filiales, la CDC est maintenant présente comme actionnaire dans plus de 2500 entreprises cotées ou non au CAC40. Les activités de cette institution doivent être directement mises au service des missions d’intérêt général auxquelles elle doit contribuer, comme le logement social, la rénovation des universités, les transports collectifs et le développement local…etc.
Ce que l’on sait moins, c’est que certains choix stratégiques opérés par les diverses filiales responsables de l’investissement de la CDC, peuvent parfois être significatifs sur leur conception de « l’intérêt général » :
• Fin 2006 c’est une de ces filiales, CDC Capital Investissement (appartient à 100% à la Caisse des dépôts et consignations) qui avait décidé de s’offrir la juteuse chaîne de restauration rapide Quick pour la coquette somme de 800 millions d’euros. « Il n’aura fallu que 24 heures au principal actionnaire belge, Albert Frère, pour accepter l’offre ! » CDC Capital Investissement (qui possède aussi les enseignes Carré blanc, Bois & Chiffons, Feu Vert…) tablait sur une croissance de 5% par an en France et en Belgique et comptait se désinvestir dans les 5 ans.
• En octobre 2009, quelque mois après l’annonce de pertes record, une autre des filiales de la CDC, le Fond stratégique d’investissement (FSI), détenu à 51 % par la CDC et à 49 % par l’Etat français) a annoncé son entrée au capital de Dailymotion, une plate-forme de partage vidéo sur internet, dans le cadre d’une levée de fonds de 17 millions d’euros. Le FSI y participe à hauteur de 7,5 millions d’euros, à côté des quatre actionnaires historiques (Advent Venture Partners, AGF Private Equity, Atlas Venture et Partech International)
En ce qui concerne l’acquisition de la chaine de distributeurs de nourriture semi-synthétique, pré-digérée et coupée aux médocs, nul ne doute de sa rentabilité, mais ce choix apparait d’autant plus critiquable quant à » l’intérêt général « , que dévastateur pour la santé publique. Parait-il que « c’est une histoire de goût » ? Mais pour la plate-forme de partage vidéo qui était déjà sous influence du ministère de la culture, l’État via le FSI, met désormais financièrement la main sur une entreprise qui pratique d’un côté une activité non officielle de placement financier et de fuite de capitaux (avec plus de 10 millions d’euros d’achats inexpliqués sur 2006-2007), et de l’autre un lourd endettement fiscal et social, chez ses fournisseurs et dans l’immobilier ?!? L’État voit ça comme une aubaine et sous prétexte de soutenir une société bien placée dans son secteur, se finance grâce à l’argent du contribuable, ce qui pourrait bien devenir un bel outil de veille d’opinion avec des possibilités de filtrage-fichage-censure, doublé d’une mécanique bien huilée pour les opérations de communication et cyber-campagnes électorales à venir.
Alors pour soutenir la CDC et dans « l’intérêt général », il nous est donc recommandé de manger de la « junk-food », tout en exprimant nos opinions les plus personnelles par des vidéos et des commentaires sur Dailymotion !?!
Article paru dans “La gazette des Insoumis” N°01- Décembre 2009